L'erreur humaine décryptée
par
Claire Chartier
DRH chez Renault, Christian Morel
analyse les choix imbéciles et parfois mortels des
humains
En 1978, les deux pilotes d'un avion
survolant Portland tournent dans les airs pendant une
heure afin de tester le fonctionnement de leur train
d'atterrissage. L'appareil s'écrase, à court de
carburant. En 1986, la navette Challenger explose à
cause de ses joints défectueux, problème que les experts
avaient décelé cinq ans auparavant. Plus récemment, les
copropriétaires d'un immeuble, désireux de barrer la
route aux cambrioleurs, ferment un seul accès de leur
bâtiment, oubliant le second. Pourquoi prend-on des
décisions aberrantes? Pourquoi les transparents projetés
lors de réunions de travail sont-ils toujours
illisibles? Pourquoi fabrique-t-on des montres
analogiques aux aiguilles invisibles? Sociologue et
directeur des ressources humaines chez Renault,
Christian Morel décrypte ces choix imbéciles dans un
essai savant, Les Décisions absurdes. Sociologie des
erreurs radicales et persistantes, publié chez la
non moins sérieuse maison Gallimard. «Il y a toujours, à
la base, une erreur rudimentaire de raisonnement,
explique Christian Morel. Les ingénieurs de la Nasa, par
exemple, n'avaient pas fabriqué des joints pouvant
résister à la température très basse de la base de
lancement.» Pour s'élever au rang d'aberration
persistante, l'erreur doit être collective. Et les
acteurs de ce fatum tragi-comique, en oublier la
finalité de leur action. Un enchaînement absurde
qu'aucun livre, si rationnel soit-il, ne pourrait
enrayer. |
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